Arpentant la scène électronique depuis plus de 20 ans, Art of Tones n’est pas un nouveau venu dans le game. Il fait ses armes à partir du milieu des 90’s sous le nom de Llorca et se crée une solide réputation dans le milieu. En 1997, il est repéré par Laurent Garnier qui l’intègre à son label de l’époque : F-Communications. Il y signera plusieurs EP et Maxi remarqués, ainsi que l’album « Newcomer » en 2001 qui le propulsera sous les feux de la rampe.
En 2007 voit débarquer “Praise” chez 20/20 Vision, puis « Insatiable » chez Absolute Sound en 2008. Des EPs qui trusteront les charts spécialisés pendant plusieurs semaines, permettant au projet Art of Tones de prendre son envole et prouvant au passage que Ludovic Llorca n’a rien perdu de sa superbe.
Depuis, les EP à succès s’enchaînent que ce soit chez Room With A View, Defected, Lazy Days ou Local Talk pour « The Rainbow Song », le petit dernier sortit le 25 mai.
Quelques semaines après avoir chroniqué « The Rainbow Song » et à l’occasion de la sortie de sa Mixed By ; Ludovic Llorca a.k.a Art of Tones nous fait l’honneur et le plaisir de répondre à quelques questions. De quoi vous occuper les yeux à lire pendant que vos oreilles profitent de sa Mixed By.
[soundcloud url=”https://soundcloud.com/boltingbits/mixedbyaot” /]
On peut lire sur ta bio que tu as commencé à toucher la production sur un Commodore 64. Tu peux nous en dire un peu plus ?
J’avais 13 ou 14 ans, mon père était informaticien et il m’avait déjà offert les premiers ordinateurs de personal computing : Oric Atmos, Amstrad CPC… et avec une bande de copains, on a rencontré quelqu’un qui travaillait sur le C64. Tout de suite, ce qui m’a plu, c’était la qualité du chipset et les musiques faites sur cette machine. Il y avait une vraie scène, avec des compositeurs, des graphistes, des codeurs… Je m’y suis mis assez tôt. J’ai appris tous les rudiments de la musique la-dessus, sauf qu’à l’époque on composait avec des « trackers », où l’on était obligé d’entrer manuellement le nom des notes sur des lignes (C-3, D#4)
Comment t’y prends-tu pour produire ? Certains s’enferment des heures dans un studio en y allant à taton et d’autres ont quasiment une track complète dans la tête avant même de mettre les pieds dans le studio. Tu pencherais de quel côté ?
J’essaye d’être dans la deuxième catégorie et de ne faire que quand j’ai une bonne idée. Ce qui est difficile, parce que quand je ne compose pas, ou pas bien, je culpabilise, je suis de mauvaise humeur, je me sens pas très bien. Je m’accorde assez peu de répit en général même si je me suis donné un peu de leste ces derniers temps. J’essaye d’être exigent avec ma musique (et un peu moins avec moi même:-)
L’intégralité de ton oeuvre est marquée par la musique noire-américaine. Peux-tu nous dire d’où cela vient ?
Très certainement de ma maman, qui écoutait beaucoup de soul, funk et disco à la maison quand j’étais petit. La présence de « bonne » musique à la maison était importante pour elle… pas question d’écouter du Michel Sardou ! Je me suis aussi rendu compte récemment que, étant né en 1974, les musiques de fond à la télé, les génériques de dessins animés de cette époque étaient de très bonne facture : beaucoup de jazz, funk, disco… cela a dû beaucoup m’influencer !
En 1997, tu signe ton premier EP chez F-Communication. Comment s’est passé la rencontre avec Laurent Garnier ? Quels souvenirs as-tu gardé de ce passage chez F-Comm ?
Bien, Laurent est quelqu’un de gentil et sociable, même si on le voyait peu au bureau de F Comm: il était très occupé. Je voyais plus souvent Eric Morand, son associé. J’en garde d’excellents souvenirs, je crois pouvoir dire que ça fait partie des plus beaux moments de ma vie. Les 3 maxis, l’album, les tournées et concerts a répétition… J’étais sur un petit nuage !
Passer de Llorca à Art of Tones, était-ce un besoin de repartir « à zéro » ou plus un side project qui s’est finalement transformé en main project au fil du temps ?
Les deux mon capitaine ! Même si le succès de Newcomer était très plaisant, je souffrais un peu de ne pas vraiment appartenir a cette scène House qui je côtoyais et que j’écoutais beaucoup. Après Newcomer, j’ai eu envie de faire de la House, mais j’ai senti que les fans de Newcomer ne l’entendaient pas de cette oreille, et que ça allait brouiller les pistes. J’ai commencé ce projet AOT qui est finalement devenu mon projet principal.
Tu travail aussi en tant qu’illustrateur sonore, peux-tu nous dire quelles sont les principales différences et difficultés comparé à ton travail de producteur ?
C’est un métier intéressant, ou l’on te demande d’avoir une palette de sons très larges, de savoir composer aussi bien de la salsa qu’un arrangement pour cordes. J’adore ça, c’est un exercice parfois difficile mais qui me fait avancer. L’art de savoir composer avec les désirs des différents clients et intermédiaires est primordial, tout comme la faculté de savoir exprimer en très peu de temps une émotion musicale.
Même si l’on peut deviner et déduire des influences à l’écoute de ton dernier EP et laisser place à l’interprétation, peux-tu nous dire quelles fût tes sources d’inspiration principales pour The Rainbow Song ?
Clairement Motor City Drum Ensemble et les Masters At Work. Le track était sans sample, ce n’est qu’à la fin que je me suis dit qu’il manquait quelque chose… Finalement, après avoir ajouté ce sample, j’ai complètement ré-édite le morceau autour de celui-ci. Ce qui est intéressant, c’est que le track est exactement le même, mais le sample lui donne un coté plus Black et plus joyeux.
On peut entendre ça et là que nous vivrions dans un age d’or des musiques électroniques. Toi qui es dans le milieu depuis le début des 90’s, quel regard portes-tu sur ça ?
Je ne sais pas. Je n’ai pas le même age, donc le regard est différent. C’est une très bonne époque, il y a beaucoup, beaucoup de bons disques, et surtout c’est une époque qui prouve que cette musique a su résister à l’épreuve du temps. Je trouve parfois les producteurs un peu paresseux, avec beaucoup de formatage. Mais il y a aussi de vrais génies (Max Graef par exemple)
Mis à part ton dernier EP, que nous avons chroniqué et adoré, aurais-tu un conseil d’écoute à prodiguer à nos lecteurs vis-à-vis des sorties récentes ?
J’ai beaucoup aimé toutes les sorties sur Outplay. Les derniers Adesse Versions sont dingues aussi ! Et je craque a chaque fois sur les edits super classieux de The Reflex – le Chaka Khan me fait beaucoup penser a du MAW. Dans le désordre : Shamir, S3A, Dj Vas, Frits Wentink…
Petite dernière, a-t-on des chances de te voir à Montréal dans un futur proche ?
J’aimerais bien, ça fait longtemps que je n’y suis pas retourné ! Avis aux promoteurs !
Merci pour le temps que tu nous a accordé.
Merci pour l’invitation !
TRACKLIST
1. Eli Eskobar – Seeing You
2. Henri Leblanc – Jungle Juice
3. Michael The Lion – Any Time
4. ESG _ Moody (DS rework)
5. Art Of Tones – The Rainbow Song
6. Loz Goddard – Move It On
7. Beat Conductor – Caribbean Path
8. Exist – Lookin At Blue
9. Pools – One Of These Days (Thatmanmonkz Remix)
10. Venus Dodson – Shining (DS rework)
11. Guilhem Monin – Omen (Boo Williams Remix)
12. Homecore – In And Out
13. Art Of Tones – Damped
14. Franck Roger – Vibrayshun
Interview par Mathieu Merard
Graphisme : Manola Le